Un soleil brûlant écrase la Côte d’Azur ce mercredi 16 juillet. Il est 19h30 mais les cigales continuent de deviser entre elles, bien à l’abri dans les pins qui bordent le complexe du Devens, à Beausoleil, sur les hauteurs de Monaco. Au jacassement de l’insecte emblématique du Midi se mêlent les exclamations gutturales des rucks. Sur la pelouse synthétique du terrain Prince Héréditaire Jacques, l’équipe de rugby à 7 de Monaco peaufine les derniers détails de sa préparation en vue d’un tournoi.
Sur le côté, sur les quelques mètres qui séparent les vestiaires de la ligne de touche, les joueurs de l’AS Monaco patientent, attendant que le terrain se libère pour prendre place. Les joueurs en question, ce ne sont pas Paul Pogba, Maghnes Akliouche ou encore Denis Zakaria, mais plutôt Hugo Bodin, Joseph Assane-Aly ou même Nassim Lallemand. Ces Monégasques, ce sont les visages que l’on ne voit pas sur nos écrans de télévision, ceux de l’équipe réserve de l’ASM, le dernier chaînon du football amateur en Principauté.

Légèrement en retrait, placé derrière les bancs de touche, l’entraîneur général de l’association, David Le Goff, au club depuis les années 80, est aussi là pour saluer ceux qui porteront l’étendard rouge et blanc au cours de ce nouvel exercice et s’assurer que tout se passe bien. Ce jour marque la reprise pour l’équipe qui évoluera en Régional 1 cette année, après deux années en Régional 2 et un titre acquis la saison passée, et qui est toujours entraînée par Frédéric Ménini. Le groupe est étoffé mais pas tout à fait au complet, avec 27 joueurs présents pour cette séance, et l’ambiance est chaleureuse, les sourires au rendez-vous et les visages s’illuminent lorsque certains se revoient après de longues vacances.
Un staff fourni
En réalité, joueurs et staff s’étaient déjà retrouvés la veille, pour une séance un peu plus ludique sur la plage de Saint-Jean-Cap-Ferrat mais davantage pour partager un bon repas afin de recréer les connexions et poser les premiers jalons d’une bonne cohésion de groupe. Mais le terrain, c’est bien aujourd’hui que les joueurs le retrouvent, et surtout le ballon. La séance du jour est d’ailleurs principalement axée sur des petits jeux techniques de conservation, puis une opposition. Une séance récréative et peu chargée en raison des tests physiques prévus sur les deux jours suivants, qui doivent marquer le début des choses sérieuses.
Mais cela n’empêche pas une certaine intensité, déjà, poussée notamment par Patrick Calzoni, lui l’ancien entraîneur du Rapid de Menton et adjoint de Menini pour la deuxième année de suite. « Patrick, c’est un ami de longue date, j’en avais fait une priorité, nous explique l’entraîneur monégasque. Avec lui, notre relation est basée sur l’échange technique. C’est une aide incroyable », ajoute-t-il. Mais il peut aussi compter sur un staff très fourni à ce niveau pour l’épauler. Il y a son second adjoint, Farid lquyass : « Farid, c’est LE mec du club. Il m’apporte plein d’autres choses. Dans la gestion, sur la prépa physique. C’est un peu comme mon bras droit. »


À ces deux adjoints qui se complètent, il faut y ajouter Vincent Martaens, « un super préparateur physique qui vient du STAPS », un jeune entraîneur des gardiens, Julien Grondin, qui « bosse merveilleusement bien » et à qui Ménini prédit un très bel avenir, un analyste vidéo, Charly Bodinier, sans oublier le dirigeant Jean-René Manfredi, qui a d’ailleurs dû se démener pour apporter à cette reprise des tuniques Mizuno, le nouvel équipementier de l’ASM, alors que la logistique pour l’approvisionnement a connu un léger retard à l’allumage. Et tant pis si les chasubles de l’entraînement sont encore celles de la saison passée, siglées du logo de l’ancien partenaire du club de la Principauté.
Il faut bien tout ce monde pour encadrer un groupe de cette densité. Cette saison, l’effectif rouge et blanc dénombrera 28 joueurs de champ en plus des trois gardiens et les places seront chères. Cela peut sembler beaucoup pour un championnat de Régional 1 qui compte seulement 26 levées et des matches de Coupe Méditerranée (sept au maximum, finale comprise, stade atteint par l’équipe la saison passée). Mais le coach assure que la marge n’est aussi importante que ce qu’on peut penser : « Entre les choix, les blessures, les suspendus, les situations familiales. Au final, ce n’est pas tant que ça. Tu peux partir avec 30 joueurs, tu sais qu’en fin de saison, tu es plutôt à 20. »
Un projet jeune assumé
Pour arriver à ce nombre, il a fallu jongler et surtout trancher. Au total, ce sont onze joueurs qui n’ont pas été conservés par rapport à la saison précédente. D’autant plus que, à l’instar de l’équipe professionnelle ces dernières années, un certain rajeunissement a été opéré. Fini le temps ou l’équipe de R1 accueillait en son sein les vieilles gloires de l’ASM, telles Jan Koller, Ludovic Giuly ou encore Gaël Givet, qui ont longtemps laissé traîner leurs crampons sur les terrains des catégories amateurs par amour du jeu et pour le plaisir. Cela n’empêche pas des recrutements venus de l’extérieur, pour combler certains manques dans l’effectif, mais le club veut aussi donner toute sa place aux éléments les plus prometteurs extraits des catégories jeunes.
Six nouveaux sont issus de la catégorie U18 et vont être progressivement incorporés, comme le meneur de jeu Nolan Dumolin, le défenseur central Tommaso Lanza ou encore l’attaquant Artem Kuptsov. Une belle génération qui a très bien réussi en U18 la saison précédente, dans un championnat R1 achevé à la deuxième place, et qui aurait potentiellement pu sauver les U19 nationaux de Frédéric Barilaro, un temps menacés de relégation. Pas question toutefois de faire les choses trop vite pour ces jeunes pousses qui ont tout juste atteint la majorité, car le passage du football junior vers celui des adultes peut se révéler périlleux.

« Avant, on allait jusqu’en U19, maintenant ça s’arrête aux U18, depuis la création de ce championnat U20 (l’ASM n’a pas souhaité mettre en place de catégorie U20, NDLR). Donc ils passent en séniors un an plus tôt. Ça fait beaucoup à cet âge. » Mais c’est un risque que les dirigeants sont prêts à prendre, et pour une bonne raison. Avec 32 équipes et 520 joueurs qui évoluent au sein de l’association, c’est une façon de montrer le respect porté au travail des formateurs et des éducateurs depuis l’école de foot, ce qui constitue donc un enjeu et qui en même temps dessine un horizon. En plus d’offrir une certaine garantie à ces jeunes en leur montrant qu’il est possible de continuer à se développer chez les séniors en Principauté.
« Si demain on enlève cette équipe, ça veut dire que tout le boulot que tu fais depuis qu’ils sont petits, c’est pour les autres clubs. »
Frédéric Ménini, entraîneur de la réserve de l’AS Monaco
Une mesure de bon sens, comme nous le rappelle Fred Ménini : « Il y a un vrai projet jeune. La finalité, c’est de les amener en R1. Tous les cadres, Hugo Dos Santos, Tristan Chioni, etc…, ils jouent à Monaco depuis qu’ils sont petits et on a réussi à garder ce socle. La finalité de cette équipe, c’est de gagner des matches et de monter le plus possible, mais c’est aussi de les garder. Si demain on enlève cette équipe, ça veut dire que tout le boulot que tu fais depuis qu’ils sont petits, c’est pour les autres clubs. On a bien bossé mais tu ne profites pas du travail fait par tous les éducateurs. » Inconcevable, donc, pour un club comme l’AS Monaco.
Alors que l’exemple donné par certains jeunes joueurs de l’effectif professionnel, comme Lucas Michal ou Saïmon Bouabré, parti en Arabie saoudite après son refus de prolonger, ont montré une certaine forme d’impatience, c’est moins le cas à ce niveau. Il n’est pas forcément plus intéressant d’aller jouer en championnat national U19, nous dit-on, surtout qu’on nous assure que le niveau du championnat R1 de la Ligue Méditerranée est l’un des plus relevé dans l’Hexagone.
Des cadres qui s’inscrivent dans la durée
Si la volonté de valoriser les jeunes transpire dans les échanges avec l’entraîneur monégasque ou avec les dirigeants, cela ne peut pas suffire non plus pour avoir un groupe compétitif. Outre les recrutements effectués à l’extérieur, le groupe de la R1 peut s’appuyer sur des cadres présents depuis de nombreuses années, comme le capitaine Hugo Bodin (26 ans), qui débute sa cinquième saison sur le Rocher. Lui, a connu l’époque avant la création du Groupe Élite et lorsque l’équipe réserve évoluait en N2. Il y a même joué lorsqu’elle était coachée par Stéphane Nado, ce qui lui a notamment permis de côtoyer, entre autres, Maghnes Akliouche et Soungoutou Magassa, quand ces deux-là n’étaient encore que les espoirs de demain.


« Il y a un super groupe, abonde Menini, heureux du cocktail élaboré durant l’intersaison. Tu as des cadres du club qui connaissent l’environnement, qui transpirent l’identité du club, tu as des vrais jeunes qu’on lance. » Dans les cadres, il faut en outre compter le gardien titulaire, Joseph Assane-Aly (29 ans), lui aussi présent depuis 5 ans au club et qui a découvert la sélection mauritanienne à 20 ans. Parmi les noms connus, on peut trouver Gwendal Muet, qui n’est autre que le fils de… Sébastien Muet, l’actuel directeur de l’Academy.

Mais le patronyme qui parlera le plus est celui de Dos Santos. Malgré sa ressemblance avec Myron Boadu, ce qui lui vaut d’être quelquefois affublé du prénom de l’attaquant néerlandais, Hugo est bien le fils de l’ancien professionnel Manu Dos Santos, entraîneur des U17 nationaux depuis plus d’une décennie en Principauté. Le défenseur central, capable d’évoluer comme latéral, fait d’ailleurs partie des victimes favorites de son entraîneur, qui ne manque jamais une occasion de le chambrer. « Dos, joue avec tes qualités. La technique tu l’as pas », lance à la cantonade Ménini, au moment où le joueur de 26 ans est lancé dans un formidable raid solitaire pour remonter le terrain pendant l’opposition.


Comme dans toute équipe, on y trouve quelques stars. L’une d’elles est arrivée l’année dernière, il s’agit de Nassim Lallemand. Le parcours de l’attaquant de 26 ans est un exemple parmi beaucoup d’autres de ceux qui ont aspiré à faire du football leur métier sans y parvenir. « Quel joueur, un régal à voir », nous promet pourtant le coach des Rouge et Blanc. Vision, qualité, technique, il n’a rien à envier à un pro. » Après avoir pas mal bourlingué dans la région, des centres de formation de Cannes et Nîmes, où ses espoirs de signer un contrat pro se sont envolés, en passant par Beaulieu et Cannet-Rocheville, il a fini par poser son sac en Principauté l’an dernier et semble avoir trouvé chaussure à son pied.
« En arrivant à Monaco, je voulais reprendre du plaisir, ce qui s’est passé, confie-t-il, alors qu’il a connu une longue blessure deux ans plus tôt. Tout le groupe m’a bien accueilli et m’a mis dans de bonnes dispositions. » Cela s’est vu par ses performances et son apport sur le terrain lors du dernier exercice, ce qui lui a notamment valu d’être plébiscité au classement des étoiles Actufoot. « J’espère être aussi décisif que la saison dernière, annonce-t-il. J’ai mis 14 buts avec la Coupe et donné une quinzaine de passes décisives. Il faut que je continue comme ça. Mais je connais le niveau. »

S’il parvient à faire aussi bien, cela permettra, à n’en pas douter, aux Monégasques d’avoir un rôle à jouer dans leur poule. Même si la prudence est de mise : « C’est la première année, c’est un groupe assez jeune, rappelle Lallemand. Déjà, il faut se maintenir, après si on peut jouer le haut du tableau, on ne va pas se gêner, on a une bonne équipe. » Mais pour l’instant, les objectifs ne sont pas encore arrêtés : « Ça viendra aussi avec les matches, progressivement », nous explique Bodin.
Il faudra composer avec une adversité de qualité. Le championnat est relevé, encore plus depuis les descentes de N2 du Marignane Gignac FC et surtout de Martigues, pensionnaire de Ligue 2 l’an passé. Ce seront justement les deux premières échéances des hommes de Ménini, à partir du 24 août. « La R1 a toujours eu un niveau relevé, là ça élève encore le niveau de difficulté, mais on aime ça, ne se cache pas Bodin, en capitaine qui montre la voie. Ce sont des matches qui font plaisir à jouer. » De gros tests pour mettre aussi à l’épreuve un projet.