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Diop, l’axe du bien

Son talent est sans doute moins flamboyant et moins éclatant que celui d’Eliesse Ben Seghir, mais il n’en est pas moins précieux. La saison passée, Edan Diop a lui aussi fait son entrée dans le monde des professionnels. Plus discrètement. Mais les premiers matchs de la présaison semblent indiquer qu’il peut s’installer plus durablement dans l’effectif. Reste à savoir à quel poste.

Il est bien difficile de connaître le poste de prédilection d’Edan Diop. En décembre 2022, le jeune frère de Sofiane, lui aussi ancien Monégasque, était lancé par Philippe Clement en match amical contre Empoli au poste de latéral droit. La justification du technicien belge était alors que la formation italienne jouait avec un milieu en losange et que les côtés ne seraient pas forcément très employés par l’adversaire, permettant de libérer le couloir pour le jeune joueur formé au club. Avec succès, puisque Diop a inscrit l’unique but de la rencontre. Pourtant, Edan Diop n’a rien d’un latéral et lorsque la question d’un potentiel avenir à ce poste fut posée à l’entraîneur asémiste de l’époque, il n’était pas question de voir une suite à cette expérimentation. Le contexte a néanmoins forcé le Belge à renouveler l’expérience quelques mois plus tard.

Contre le Bayer Leverkusen et contre Nice, en trois jours d’intervalle, Diop a remplacé Chrislain Matsima au poste d’arrière droit, alors que l’ASM était privée de Vanderson et de Ruben Aguilar. Puis il est remonté d’un cran lorsque les deux hommes ont retrouvé leurs facultés. Reste que sans éclabousser la Ligue 1 comme un Ben Seghir avant lui, il s’en est tiré avec les honneurs lorsque Philippe Clement a fait appel à lui dans un collectif en pleine déliquescence. Utilisé de manière offensive en fin de saison, il l’a également été en équipe de France de jeunes, parfois positionné en n°10, parfois ailier avec les U19 tricolores. C’est pourtant au cœur du jeu qu’Edan Diop a fait ses armes dans les catégories jeunes, dans un milieu en double pivot, ou plus souvent en tant que relayeur dans le milieu à trois de Frédéric Barilaro lors de sa saison avec les U19 de l’ASM en 2021-2022.

Une verticalité qui peut convaincre Hütter

C’est précisément en tant que milieu axial qu’Adi Hütter l’a utilisé depuis le début de la présaison. Contre le Cercle Bruges, le Betis ou encore Leeds pour le plus récent, Edan Diop est systématiquement entré en jeu après la pause dans un milieu en double pivot. Associé à Magassa pour les deux premiers matchs, puis à Youssouf Fofana lors du dernier, il semble être vu par le nouvel entraîneur monégasque comme une solution viable dans la rotation à ce poste, ce qui n’était peut-être pas le cas l’an dernier, où Matazo et Magassa étaient installés comme troisième et quatrième choix, derrière l’inamovible tandem Fofana-Camara.

Un axe qui a d’ailleurs affiché des limites sur le plan offensif et dans la participation au jeu peu inventif proposé la saison dernière. Avec Hütter sur le banc, les principes de l’animation avec ballon ne devraient pas être fondamentalement très différents de ceux de Clement, avec une volonté assumée de jouer de manière très verticale et d’exploiter la moindre contre-attaque. À cet égard, l’apport d’un Edan Diop doit pouvoir être considéré. Lors des matchs de préparation, le milieu de terrain a démontré qu’il en était capable et s’est d’ailleurs illustré avec plusieurs passes clés et décisives.

Cinq joueurs sont positionnés devant Diop et lancent leur appel. Plusieurs options s’offrent à lui dans la profondeur, comme Golovin tout à gauche, mais c’est finalement plein axe que Diop va décider de jouer, en direction de Myron Boadu. Il s’agit presque d’une passe décisive puisqu’elle va permettre à l’attaquant de se retrouver en situation de face-à-face avec le gardien, qui remportera son duel.

La configuration des secondes périodes contre le Betis et Leeds a donné à voir un Monaco assez peu porté sur la conservation du ballon et qui a davantage dû défendre. Dans cette optique, la capacité de Diop à verticaliser très rapidement le jeu et à optimiser chaque possession s’est révélée pertinente. Car pour ne rien gâcher, Diop possède également une palette technique plus large et fiable que les milieux de terrains avec lesquels il pourrait être mis en concurrence lors de la saison à venir.

Face à deux joueurs du Betis, Diop cherche une nouvelle fois à jouer le plus verticalement possible, en sollicitant Boadu. Le choix peut interpeller, alors que Volland lance un appel dans le dos des deux joueurs adverses, et que Boadu n’est pas encore démarqué. Mais la passe élimine deux joueurs et le ballon, repoussé dans un premier temps, est finalement récupéré par l’ASM. Cela donne tout de suite une nouvelle situation devant la cage espagnole.

Nouvelle illustration ici de la capacité de Diop à jouer rapidement vers l’avant. Le ballon est à peine récupéré qu’il cherche immédiatement Volland en pointe, sans perdre de temps.

Comme on l’a souligné plus haut, Edan Diop possède une technique de passe sûre, ce qui lui permet de jouer avec confiance et rapidité vers l’avant. Un autre aspect intéressant de son jeu réside dans sa capacité à jouer en deux touches de balle maximum, le plus souvent en une seule, y compris pour des passes qui semblent plutôt risquées. Face à Leeds, la différence entre lui et Fofana, qui a tendance à porter le ballon sur quelques mètres et multiplier les touches avant une passe, a été très nette. Quand Fofana ou Camara ont tendance à ralentir le jeu en multipliant les touches, Diop l’accélère de façon notable.

La vision du jeu comme meilleure arme

Pour jouer vite comme il le fait, le secret est bien connu. Tout réside dans la lecture du jeu et l’anticipation au niveau de la prise d’information. Dans ce domaine, Diop semble effectivement avoir un temps d’avance sur le terrain, et cela ne se remarque pas seulement sur sa faculté à orienter le jeu. Mais sur un plan purement statistique, il est intéressant de noter que Diop est impliqué dans quatre des cinq derniers buts inscrits par l’ASM.

Bien avant que Caio Henrique ne déclenche sa passe, Edan Diop a déjà pris l’information sur la position de ses coéquipiers aux avant-postes. Ainsi, il va privilégier une passe vers Minamino (tout à gauche) plutôt que de redoubler vers Caio Henrique qui ne s’est pas encore défait de son vis-à-vis. En une touche de balle, au milieu de trois joueurs adverses, Diop trouve une bonne passe vers l’avant et entame un mouvement qui va aboutir au premier but monégasque.

Si Diop n’hésite pas à jouer vertical, c’est aussi très rare qu’il se contente de jouer de façon latérale ou en retrait, comme aurait tendance à le faire majoritairement un Eliot Matazo. Sur les deux exemples suivants, on peut voir son aptitude à jouer plus long avec des transversales qui restent précises.

Ici, Diop a du temps car il n’est pas pressé par l’adversaire, mais cela ne l’empêche pas de jouer en limitant son nombre de touches à deux. Il va ouvrir le jeu avec une longue transversale en direction de Krépin Diatta, démarqué. Le Sénégalais enverra ensuite un long centre pour la tête de Kevin Volland, ce qui permettra à Monaco de doubler la mise.

Davantage pressé sur cette phase de jeu, Diop écarte immédiatement sur la droite malgré la présence d’un joueur adverse face à lui. Peu avare en efforts, il poursuit l’action en remontant tout le terrain pour se positionner aux abords de la surface adverse et ainsi créer le surnombre.

L’intelligence que Diop manifeste dans l’orientation du jeu, on la retrouve également dans les phases de pressing, où il fait preuve d’un vrai sens de l’anticipation. C’est notamment à la retombée d’un corner qu’il obtient un pénalty contre Leeds et qui permettra à l’ASM de prendre l’avantage. C’est en interceptant une passe d’un joueur du Betis qu’il va se muer en passeur décisif pour Volland sur la deuxième réalisation asémiste.

Ici, Diop est encore assez loin de son vis-à-vis, mais il se met vite en mouvement pour aller a minima presser. La passe mal assurée et le manque d’engagement du joueur du Betis pour réceptionner le ballon vont permettre à Diop de l’intercepter. Ensuite, son décalage pour Volland amènera le second but de l’ASM dans cette rencontre.

Cette séquence intéressante démontre une nouvelle fois la vision du jeu et le sens de l’anticipation de Diop pour aller presser très haut le milieu de terrain de Leeds Archie Gray, et ce même s’il vient de loin. Si ce n’est pas lui récupère le ballon, son pressing intense va gêner la relance anglaise et favoriser la récupération de Golovin juste derrière.

L’engagement défensif comme axe de progression

Bien sûr, il ne faut pas non plus penser que Diop est le joueur parfait et qu’il n’a pas de défauts. Les séquences de pressing initiées par le milieu de terrain sont intéressantes, mais d’autres montrent parfois que son empressement à la tâche a d’autres conséquences et qu’il est aussi important de veiller à l’équilibre du bloc équipe. Plus d’une fois, le pressing haut des Monégasques lors de la partie contre Leeds a révélé un bloc coupé en deux, avec un vrai écart entre la ligne des défenseurs et celle des joueurs offensifs.

Pour aller presser très haut le porteur du ballon, Diop libère une zone très grande dans son dos dans laquelle deux joueurs adverses sont esseulés. Si le ballon n’est pas intercepté, le bloc adverse aura l’occasion de se projeter facilement vers l’avant, ce qui sera le cas.

S’il se montre généreux dans ses efforts et multiplie les courses de replacement, il doit encore progresser sur ce domaine et dans la couverture défensive. Dans le 3-4-2-1 d’Adi Hütter, le double pivot du milieu de terrain a une fonction clé dans l’équilibre de l’équipe et dans les tâches défensives. Le jeu prôné par l’Autrichien et sa volonté de presser haut pour récupérer vite la balle demande de nombreux efforts, surtout pour ensuite revenir dans les zones si le pressing est contourné.

Sur le second but inscrit par le Cercle Bruges face à l’ASM, Diop suit de trop loin Somers qui a du champ pour ensuite se retrouver face à Lienard. En anticipant davantage, Diop aurait pu coller un peu plus l’attaquant brugeois et potentiellement le gêner sur sa frappe.

Si l’on peut noter une qualité supérieure dans l’orientation du jeu par rapport à d’autres milieux de terrains qui composent l’effectif, Diop accuse un certain retard pour ce qui est de l’engagement au duel et à la récupération, le plus souvent compensé par sa mobilité et un bon positionnement qui limite les possibilités de passes adverses. Il apparaît nécessaire de préciser qu’il s’agit de matchs amicaux et que la pression et l’intensité sont moindres qu’en compétition, mais la différence avec un Fofana à ses côtés, plus incisif au duel et beaucoup plus rapidement dans les bonnes zones pour intervenir, montre le chemin à parcourir encore pour Edan Diop dans ce registre. La dimension athlétique sera également un point essentiel car le physique du milieu de terrain reste celui d’un très jeune joueur qui doit encore prendre de l’épaisseur.

S’installer au plus vite à un poste

Si la polyvalence d’un joueur de foot peut-être mis à son crédit, parce qu’elle révèle une certaine capacité d’adaptation ainsi qu’une forme d’intelligence, elle peut aussi le desservir. Bien des années plus tôt, Claude Puel estimait pendant ses années monégasques (1979-1997) qu’avoir été trimballé entre la défense et le milieu lui avait certainement joué des tours : « Le Puel de l’époque était devenu titulaire en club et chez les Espoirs français grâce à ses facultés de récupération et d’endurance mais aussi à sa polyvalence, dont je puis dire finalement qu’elle m’a desservi. En effet, je n’ai réellement progressé et mûri que lorsque je me suis fixé en numéro 6, à l’âge de vingt-six, vingt-sept ans. »

Edan Diop n’a que 19 ans et il semble aujourd’hui plus important pour lui de pouvoir gagner sensiblement du temps de jeu, quel que soit sa position sur le rectangle vert. Mais pour sa progression personnelle, il sera aussi indispensable qu’il puisse être fixé rapidement à un poste pour pouvoir acquérir les automatismes liés à celui-ci. Quoi qu’il en soit, face à un Camara qui n’affiche pas de solides garanties balle au pied ou un Matazo très prudent dans ce domaine et dont la progression n’est pas si évidente depuis deux saisons, Diop a des arguments pour tirer son épingle du jeu.

Il est peu probable de le voir briguer une place de titulaire face à Camara ou Fofana, ou bien son remplaçant, puisqu’il paraît difficile de croire que ce dernier sera encore monégasque cette saison, même si les clubs ne semblent pas se bousculer au portillon. Mais pour ce qui est de la rotation, Diop peut venir bousculer la hiérarchie afin d’apporter une touche plus technique dans le cœur du jeu, ce dont Monaco a cruellement manqué la saison dernière.

Photo : AS Monaco

Captures de matches : Youtube AS Monaco et Cercle Bruges

3 Commentaires sur “Diop, l’axe du bien

  1. Sherv.am. says:

    Merci pour cet article et ces analyses. Diop a fait partie des rares éclaircies de l’an passé, son jeu intelligent et direct contrastant avec le reste de l’équipe. On ne peut que lui souhaiter de trouver sa place dans l’effectif 23/24.

    • Damien Dellerba says:

      Merci beaucoup ! J’espère aussi qu’on le verra plus dans la rotation cette année, il a une aisance technique et une intelligence qui me semblent faire de lui un bel héritier du beau football monégasque

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