Quelques larmes pour un rêve

En signant à l’AS Monaco, Paul Pogba reprend le fil d’une carrière qu’il a dû mettre entre parenthèses depuis deux ans. De quoi susciter de grandes émotions, des craintes mais aussi des espoirs qui ne sont pas à la portée de tous.

La signature de Paul Pogba à l’AS Monaco est intervenue ce samedi. Au moment de parapher son contrat, la carapace du champion du monde 2018 s’est subitement fendue et le milieu de 32 ans a fondu en larmes. « Merci pour votre confiance », a-t-il répondu entre deux sanglots étouffés au directeur général de l’ASM Thiago Scuro, qui prononçait alors des paroles de réconfort. « C’est beau à voir, mon ami, d’être là et de vivre ça avec toi », commentait le Brésilien, témoin privilégié de cette émotion à fleur de peau. Si le moment est « spécial » pour le club de la Principauté, qui n’accueille pas une superstar tous les quatre matins, il l’est aussi pour « La Pioche ».

Pour le comprendre, il faut remonter quelques années en arrière, lorsque ses déboires ont commencé en 2022. Celui qui évolue alors à Manchester United et se retrouve victime d’une tentative d’extorsion de fonds à laquelle son frère Mathias participe, et était même mis en joue à coups de kalachnikov. Un épisode traumatisant pour une affaire extra-sportive qui a plombé une situation en club déjà difficile, avec un joueur en proie à des problèmes physiques récurrents. Si la justice lui a donné gain de cause et a notamment condamné son frère ainsi que six autres personnes, dont un cousin de Soungoutou Magassa, Pogba n’en avait pas encore fini avec ses désillusions.

Un nouveau coup de massue a été porté en août 2023, lorsque l’international tricolore aux 91 sélections est pris les doigts dans le pot de confiture, ou plutôt de testostérone. Suspendu à titre provisoire par la Juventus, il est condamné à quatre ans de suspension par l’agence antidopage italienne en février 2024. Si la prise de ce produit illicite est avérée, Pogba plaide le manque de vigilance après avoir consommé un complément alimentaire recommandé par un ami médecin basé à Miami et assure n’avoir jamais eu l’intention d’enfreindre les règles. Sa suspension sera finalement réduite à 18 mois par le Tribunal arbitral du sport (TAS) et il sera autorisé à rejouer au foot en mars 2025. Sauf qu’au printemps, Pogba n’est plus un joueur de la Juventus après la résiliation de son contrat par le club piémontais, intervenue quelques mois plus tôt.

Il aurait pu s’offrir une pré-retraite dorée en Arabie saoudite mais à l’ocre de ses étendues de sable il lui a préféré celles azur de la Méditerranée, marquant son refus de s’enterrer. La séquence n’est pas anodine, ces larmes révèlent l’importance de cette signature, à un moment où peu de clubs de haut niveau auraient misé sur lui, mais aussi le poids de la trahison et des doutes passés qui s’envolent. Elle récompense des mois d’efforts et de travail en « solitaire » pour essayer de retrouver une condition physique digne d’un athlète professionnel. Et surtout, elle nourrit un rêve : celui de revenir en équipe de France pour clore un chapitre déjà brillant chez les Bleus à l’occasion d’une Coupe du monde en Amérique.

Avec l’ASM, Pogba pourra tutoyer les sommets de la Ligue 1 et accompagner la progression du club en Europe. « Les conditions sont tops. Tu es au bon endroit, avec les bonnes personnes », renchérit Scuro à l’attention de sa dernière recrue. Avec Pogba, et alors même qu’on ne sait rien ou presque de sa condition physique, que le joueur n’est plus celui qu’il a été et qu’il ne le sera peut-être plus jamais, c’est une Principauté qui se réveille presque en se pinçant, dimanche matin, sertie d’une ambition nouvelle. Son aura médiatique a remis l’ASM dans la lumière, lui rendant, au moins pour un temps, son lustre d’antan, celui où il n’était pas rare d’y voir des coups d’éclat. Il faudra seulement veiller à ce que sa nouvelle star n’accapare pas toutes les attentions au point de l’en reléguer au second plan. C’est le risque, mais ce club désormais centenaire semble prêt à l’assumer, pour avoir sa part de rêve.