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Shaba, le dernier roi

Avec l’AS Monaco, Shabani Nonda est allé très haut. Il est aussi descendu très bas. Mais il reste un des joueurs les plus marquants des vingt dernières années et aussi un des plus appréciés des supporters. Et surtout, il est encore à ce jour le dernier joueur de l’AS Monaco à avoir terminé meilleur buteur du Championnat de France de Ligue 1. Ses successeurs, pourtant tous renommés, n’ont jamais réussi à le détrôner.

Un joueur de Ligue 1 confirmé

Jean-Louis Campora voulait marquer le passage à l’an 2000 avec un titre, arguant que l’on s’en rappellerait pour toujours. Le président iconique de l’AS Monaco aura réussi son pari, non sans avoir mis des moyens importants pour y parvenir. Mais les lendemains de fête à Monaco sont souvent plus difficiles qu’ailleurs. L’ASM s’est vite retrouvée nue lorsque Barthez, Lamouchi, Sagnol ainsi que son meilleur buteur, David Trezeguet, ont quitté la Principauté dans l’été qui a suivi ce titre. Pour remplacer ce dernier, plusieurs pistes sont évoquées : Hasselbaink, Cruz ou encore Diego Tristan. Ce sera finalement Shabani Nonda. La veille de la demi-finale de l’Euro 2000, où Trezeguet va affronter le Portugal avec la France, l’ASM et la Juventus communiquent pour annoncer le départ de l’attaquant vers l’Italie, tandis que Shabani Nonda arrive pour le remplacer. Si Trezeguet part contre un montant record, Nonda, lui, arrive pour une somme record. Rennes, à qui appartenait le Congolais, n’a pas fait de cadeau à Monaco et a obtenu 130 millions de francs plus un intéressement à la revente pour transférer son buteur vedette de 23 ans. Un record dans l’Hexagone, puisque même Sonny Anderson coutera moins cher à Lyon pour revenir de Barcelone (120 MF).

Shabani Nonda a rejoint Rennes en 1998, après avoir évolué pendant trois ans au FC Zürich. Sa dernière saison en Suisse, avec 24 buts inscrits en 34 matchs, va d’ailleurs lui permettre de rejoindre un championnat plus compétitif. Rennes dépense 40 millions de francs pour le faire venir en Bretagne et Nonda ne va pas faire regretter cet investissement. En deux saisons du côté du stade de la route de Lorient, Nonda va marquer 36 buts. Il est à la fois une valeur montante du football tout en étant déjà devenu une valeur sûre de la Division 1. Et d’ailleurs, cela ne passe pas inaperçu, puisque plusieurs clubs européens vont vouloir s’attacher ses services : « J’étais ouvert à toutes les propositions. Monaco, PSG, Chelsea, la Fiorentina, pour moi, c’était pareil. Mais Monaco a montré un peu plus d’ambitions pour m’avoir. Passer trois ou quatre ans ici, c’est bien. Jouer avec Simone, Gallardo et les autres va me pousser vers l’avant. Je peux progresser dans tous les domaines. Après tout, je n’ai que 23 ans. Monaco, c’est un bon tremplin. »

Nonda marque des buts à défaut de marquer les esprits

La saison qui suit le septième titre de champion de France de l’AS Monaco va s’avérer désastreuse. Les remplaçants des cadres partis ne vont tout simplement pas être au niveau de performance attendu et le classement de l’équipe est en chute libre. Monaco termine l’exercice 2000-2001 à la 11e place. Nonda va néanmoins garder son rythme de but comme à Rennes. Un peu moins performant en championnat, avec 12 buts, il parvient tout de même à terminer la saison avec 16 buts, grâce à trois réalisations en Ligue des Champions et notamment un doublé contre Galatasaray. Si les chiffres pouvaient parler, ils diraient certainement qu’il s’agissait d’une saison dans la norme pour le buteur congolais. Mais le terrain aussi livre son verdict et celui-ci dresse un portrait beaucoup moins dithyrambique. Puissant et rapide, Nonda s’avère être aussi un attaquant rusé et malin à défaut d’être un fin technicien. Mais Nonda a dû mal à se trouver avec ses partenaires et surtout, il gâche de nombreux ballons.

Pourtant, Claude Puel affirmait que l’ancien rennais allait «offrir plus de variété dans le jeu», en étant plus mobile que Trezeguet : « À Rennes, j’étais complètement libre sur le terrain, alors qu’ici, le coach voulait que je joue comme Trezeguet le faisait, déclarait Nonda dans Le Parisien en septembre 2000. J’ai essayé mais ça n’allait pas très bien. J’avais du mal à trouver les autres joueurs, et eux aussi avaient des difficultés. Quelques jours avant le match contre Galatasaray, j’ai eu une discussion avec Claude Puel. Il a décidé de me laisser jouer comme je sais le faire. Je ne suis pas Trezeguet, j’ai des qualités différentes des siennes, et je n’arrivais pas à les exprimer dans le système de jeu qui est le sien. J’espère que, maintenant, tout va aller mieux… J’ai retrouvé la foi. »

Dans la surface, il sait assurément bien se placer. Mais en dehors, il ne fait que marcher sur les pieds de son compère, Marco Simone. Les deux attaquants ne parviennent pas à jouer ensemble et à s’entendre. Il se dit même que Gallardo et Simone réclament l’arrivée d’un autre attaquant pour le remplacer. Un problème que Didier Deschamps va régler à son arrivée, mais de manière drastique, puisque Simone va être prêté au Milan AC, après un incident à La Turbie entre le coach et l’attaquant. La saison des Monégasques sera encore pire que la précédente, avec une 15e place en championnat et une relégation évitée de justesse, mais pas pour Nonda, qui reste dans sa moyenne avec 17 buts inscrits sur la saison : « En début de saison, nous allions un peu dans tous les sens pendant les vingt premières minutes, en cherchant en vain les exploits individuels, maintenant nous formons un groupe compact, solidaire, déclarait Nonda. Aujourd’hui, nous nous encourageons même quand l’un d’entre nous fait une erreur, alors qu’avant les critiques pleuvaient… »

Shaba enfin roi

La saison suivante va s’avérer bien meilleure et Nonda va se révéler. Pourtant, elle semblait s’engager sur les mêmes bases que la précédente. Il faut attendre une défaite à Strasbourg, en plein mois de novembre, pour voir l’équipe de Didier Deschamps exprimer son plein potentiel. Une série d’invincibilité de 13 rencontres au cours de laquelle Nonda va marquer huit buts. Au total, l’attaquant congolais va en inscrire 26 en Ligue 1, bien aidé par un joueur arrivé en cours d’année précédente, un certain Jérôme Rothen, qui va multiplier les offrandes. Et avec ce total, Nonda va enfin être consacré meilleur buteur du championnat : « Ce titre de meilleur buteur, c’est vraiment quelque chose qui me tenait à cœur. J’en avais fait un objectif, surtout quand on s’est retrouvé en tête avec Pauleta. Réussir à inscrire 26 buts, c’est quand même phénoménal. »

Monaco a enfin trouvé sa star en attaque, son complément parfait en la personne de Dado Prso, joueur de fixation, et son pourvoyeur de ballon avec la « patte gauche » de Rothen. Cela permet d’ailleurs à l’ASM de remporter la Coupe de la Ligue contre Sochaux (4-2) même s’il faut évacuer la déception d’avoir lâché le titre à Lyon à quelques journées de la fin. Mais le quatuor offensif de l’ASM, complété par le capitaine Ludovic Giuly, plus libre et imprévisible, semble avoir de beaux jours devant lui. Nonda va d’ailleurs mettre en garde ses concurrents : « Je n’ai que 26 ans et je ne me comporte vraiment en professionnel que depuis cette saison 2002-2003. » L’ASM va donc miser sur ce quatuor à l’aube de la saison 2003-2004. Et « Shaba » va repartir sur des bases tout aussi élevées. Un doublé contre Bordeaux (2-0) en première journée, un but contre Lyon malgré la défaite (3-1) en deuxième semaine, Nonda est déjà à trois buts en deux matchs. Un élan qui sera vite brisé.

La descente aux enfers

La suite, on la connaît. Le 24 août 2003, le destin de Shabani Nonda va basculer. Son ami, et ancien coéquipier, José-Karl Pierre-Fanfan, va le blesser gravement au Parc des Princes. La rotule bouge et les ligaments du genou se déchirent : « Sur le coup, on a pensé que sa carrière était terminée, racontait Jérôme Rothen à SoFoot. On a vite compris que ce n’était pas bon. J’étais dans le rond central, juste à côté, et les images sont longtemps restées. » C’est désormais le long tunnel de la rééducation qui attend Nonda. En attendant, Monaco va se trouver un nouvel attaquant. Fernando Morientes va remplacer le Congolais sur le terrain mais aussi dans le cœur de nombreux supporters, devenant ainsi la nouvelle coqueluche du Louis-II. Car Morientes est à la fois avenant et élégant et il va surtout faire briller l’ASM en Ligue des Champions.

Pendant ce temps, Nonda mange son pain noir. Il sait que Deschamps l’attend, l’espère même. Il va marquer son retour de la plus belle des manières. Début avril, Monaco est en perte de vitesse et se fait martyriser sur sa pelouse contre Ajaccio (0-3 à la mi-temps). Deschamps lance Nonda à la mi-temps et Monaco finit par revenir dans le temps additionnel grâce à lui (3-3). Nonda profite du collectif pour retrouver des sensations et lui aussi va pouvoir s’afficher en pleine lumière en Ligue des Champions contre Chelsea. À peine entré en jeu, Nonda marque sur un nouveau centre de Rothen. On le croit de retour mais la rédemption sera de courte durée.

En fin de saison, Monaco voit partir Morientes, Giuly, Rothen et Prso. Seul Nonda reste, orphelin de ses anciens camarades. À Monaco, on dit que l’équipe n’est pas en chantier. Mais les changements sont trop importants pour que le collectif tourne à plein régime. Nonda lui, est à l’arrêt plus souvent qu’à son tour. Le buteur congolais enchaîne les pépins musculaires et traverse la saison 2004-2005 comme une âme en peine. 18 rencontres disputées et aucun but inscrit. Nonda n’est plus que l’ombre de lui-même sur le terrain. L’ASM le laissera libre à la fin de son contrat. Un roi déchu.

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