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Ben Yedder, une disette qui inquiète

Depuis plus de deux mois, Wissam Ben Yedder n’a plus marqué le moindre but sous le maillot monégasque. Une disette qui commence à être longue pour l’attaquant de 33 ans. Si elle se poursuit, elle pourrait peser dans le sprint final de son équipe.

« Sept fois, c’est la bonne. » C’est ainsi que le quotidien L’Équipe avait titré son compte rendu de la victoire de Monaco à Rennes (1-0) dimanche dernier. Une référence à la fin de la série de six matches sans victoire de l’ASM sur sa pelouse, la dernière remontant alors au 3 décembre contre Montpellier (2-0). Si le 7 est souvent perçu comme un chiffre porte-bonheur, force est de constater qu’il ne l’a pas été pour Wissam Ben Yedder à l’occasion de cette rencontre.

Aligné en pointe, le capitaine monégasque est resté muet une… septième rencontre de Ligue 1 de rang. Une première pour lui depuis août-novembre 2015, lorsqu’il évoluait à Toulouse (10), d’après Opta, et une première avec Monaco, donc. Symboles de cette réussite qui le fuit, sa tête à bout portant qui passe au-dessus du but de Steve Mandanda, sur un ballon renvoyé après un arrêt réflexe de ce dernier (12e), et son incapacité à redresser un centre un peu long de Vanderson (33e).

Une réelle inefficacité ressort de cette série de sept matches, à travers les expected goals (mesure qui détermine la probabilité de voir un tir se transformer en but). En suivant cette donnée, Ben Yedder « aurait dû » marquer 3,1 buts (0,8 contre Lorient, 0,7 à Lens, 0,6 contre Rennes, 0,5 face à Paris et à Metz, 0 à Nice et à Strasbourg). Alors qu’il a tenté 17 tirs sur la période, il n’en a cadré que quatre, soit un très faible pourcentage de 24%. C’est une maladresse plutôt inhabituelle dont il fait preuve en ce moment, comme le confirment les chiffres sur sa saison.

Une irrégularité durable

Ses expected goals hors pénaltys en Championnat ne s’élèvent qu’à 8 au total, alors qu’il a inscrit 10 buts (plus un pénalty). Globalement en 2023-2024, Ben Yedder « surperforme » donc, tout de même, face au but. C’est que, depuis le début de la saison, il brille surtout par son irrégularité et des fulgurances. Il avait scoré quatre fois en trois rencontres pour commencer, avant de connaître deux autres périodes de disette, de la 4e à la 7e journée (4 matches) et de la 9e à la 13e journée (5 matches), puis avait de nouveau affolé les compteurs.

Le dernier but de l’ancien Sévillan remonte désormais à la réception du Havre (1-1), le 4 février, la fin d’une période faste pour le troisième meilleur buteur de l’histoire du club (113 buts), qui l’avait vu inscrire neuf buts en six rencontres, toutes compétitions confondues, entre fin décembre et début février. Depuis deux mois et demi, il n’a plus marqué alors qu’il a été titularisé sept fois en neuf matches, étant seulement ménagé en Coupe de France contre Rouen et suspendu en Ligue 1 contre Toulouse. Lors de chacune de ces sept titularisations, il a au moins passé 71 minutes sur le terrain. Ce n’est donc pas le faible temps de jeu de l’international français qui induit son faible rendement actuel.

Au total cette saison, l’attaquant de l’ASM a inscrit 15 buts en 28 rencontres toutes compétitions confondues. Une statistique loin d’être mauvaise, puisque cela fait toujours un peu plus d’un but tous les deux matches, surtout qu’il n’a bénéficié que de deux pénaltys pour améliorer son score. Mais dans ce total, il faut aussi noter un triplé en Coupe de France face à Rodez (3-1), une formation de Ligue 2, dans une rencontre devenue relativement anecdotique. Cela est surtout à mettre en regard avec ce qui était sa norme jusque-là : sa moyenne de buts inscrits par match cette saison (0,54) est la plus faible depuis son arrivée sur le Rocher, en 2019. À titre de comparaison, son meilleur exercice remonte à 2021-2022 (0,62/match) tandis que, la saison dernière, il restait dans des standards assez élevés (0,58/match).

Moins impliqué dans les buts de l’équipe cette saison

Avec deux passes décisives (contre Marseille à l’aller et au retour) à ajouter à son bilan en 2023-2024, sa part d’implication dans les réalisations de l’équipe ne s’améliore pas vraiment, alors qu'elle a été bien plus importante par le passé. L’attaquant asémiste est impliqué dans 28,8% des buts monégasques pour l’exercice en cours, soit son plus faible pourcentage depuis qu’il est au club, tout en étant l’attaquant le plus utilisé de l’effectif (2054 minutes sur 2790 possibles).

Sur les 25 matches auxquels il a pris part, Ben Yedder a tiré 52 fois au but et cadré à 26 reprises, soit très exactement 50% de ses tentatives. À l’exception de la saison 2020-2021 (34,2% de tirs cadrés), il s’agit là encore de son moins bon score depuis le début de son aventure en Principauté, même si la différence est plutôt marginale par rapport à la saison dernière (51,8%). Elle se creuse, néanmoins, par rapport à son meilleur exercice, en 2021-2022 (57%).

Justifier la perte d’efficacité de Wissam Ben Yedder par ses problèmes extra-sportifs (il a été mis en examen pour viol, tentative de viol et agression sexuelle le 11 août 2023) et le mal-être qui avait été révélé il y a quelques mois par L’Équipe peut être une première piste, même si cela ne l’a pas non plus empêché de briller dans la foulée l’été dernier. L’absence de proposition pour prolonger son contrat et son plus que probable départ du club en fin de saison en est une autre.

Des coéquipiers plus inspirés

Ben Yedder pèse moins sur les résultats de Monaco, aussi, par la capacité de ses coéquipiers, notamment ses milieux offensifs, à marquer plus de buts cette saison. Maghnes Akliouche (8 buts), Takumi Minamino (7 buts, contre 1 seul en 2022-2023) et Aleksandr Golovin (6 buts) démontrent que la force de frappe offensive de l’ASM se veut surtout moins dépendante de son attaquant vedette. En particulier Akliouche, qui a énormément progressé par rapport à la saison dernière et qui a un impact direct sur la production offensive de l’équipe. Son but en solitaire contre Metz (5-2, le 30 mars) est d’ailleurs un exemple frappant d’un collectif qui ne cherche pas à tout prix son capitaine, qui lui donnait une solution et monopolisait l’attention du dernier défenseur messin.

Adi Hütter aime voir son équipe très offensive et a souvent fait des choix audacieux. Contrairement à son prédécesseur Philippe Clement, qui n’avait aligné Ben Yedder avec un second attaquant (Breel Embolo) que très parcimonieusement, l’Autrichien a davantage joué la prise de risque et titularisé WBY avec Folarin Balogun à 10 reprises. Dans cette configuration, l’ancien Toulousain a marqué 4 fois (0,4/match). En étant titulaire seul en pointe, il a produit 6 réalisations (en 13 matches, soit 0,46). La différence n’est pas très notable et, quel que soit le système, Ben Yedder est toujours bien accompagné et soutenu.

Il tire moins au but

Il touche en moyenne 36,73 ballons par match en L1 cette saison, contre 34,02 lors de l’exercice précédent. L’avant-centre monégasque n’est donc pas moins disponible et trouvé par ses partenaires. Pour autant, ses expected goals hors pénaltys s’élèvent à 0,39 par 90 minutes, contre 0,54 la saison dernière. Beaucoup d’hypothèses peuvent alors être formulées, et confirmées ou infirmées par les statistiques.

Serait-il servi en moins bonne position, plus loin du but, par exemple sur des phases où l’ASM subit la pression adverse et pas uniquement en phase de construction ? Il touche en moyenne (par 90 minutes) 0,7 ballon de plus en zone offensive par rapport à la saison passée, mais 0,4 ballon de moins dans la surface adverse… Tenterait-il alors moins sa chance, même dans des positions difficiles (ce qui fait notamment partie de sa renommée) ? Cela va dans le sens de son nombre de tirs : 2,27 contre 2,81 par 90 minutes en L1 un an plus tôt. Perdrait-il davantage de ballons avant de pouvoir les exploiter pour inquiéter le gardien adverse ? Il en est à 9,6 en moyenne, contre 7,8 en 2022-2023…

Hütter patient encore longtemps ?

Après trois premières saisons monégasques terminées sur le podium des buteurs de la L1, Ben Yedder l’avait quitté la saison dernière (8e). Il se situe actuellement au sixième rang, avec 11 buts, tout comme le Toulousain Thijs Dallinga. Le troisième, Alexandre Lacazette, se trouve quatre longueurs devant (15). S'il veut espérer retrouver le podium, avec en point de mire une cinquième saison d'affilée avec 15 buts au moins en L1, ce que personne d'autre n'a réussi avant lui à l'ASM, il lui faudra retrouver de l'efficacité. Mais il n'a que 34 journées pour y parvenir, contre 38 les saisons précédentes.

Si le joueur de 33 ans reste ainsi la principale arme monégasque, alors que Folarin Balogun pointe à 7 buts (pour 6,6 expected goals hors pénaltys, 9,1 en les incluant), il ne faudrait pas que sa période de disette pousse Hütter à bout de patience, lui qui dispose désormais d'un nouvel atout dans sa manche, ce qui pourrait donner un temps de jeu plus partagé. Dans ce sprint final, un autre attaquant pourrait bientôt entrer en scène : Breel Embolo. Un Suisse qui, la saison dernière, avait signé 12 réalisations en L1, pour 8,5 expected goals.

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